De l’extérieur, tout va bien pour Wingz. Ce service de voiturage, sorte de Uber mais spécialisé dans les trajets depuis et vers les aéroports, vient de lever 11 millions de dollars.
Fondée en 2011, la start-up de Geoffroy Mathieux, basée à San Francisco, a déjà convaincu 20 000 utilisateurs actifs avec son concept : à la différence de Uber, les voitures Wingz sont réservables à l’avance. Wingz enregistre 16 000 particuliers conducteurs, opérant vers 18 aéroports des Etats-Unis.
Mais la victoire semble encore amère pour Geoffroy Mathieux. « On a reçu tellement de menaces de poursuite, de prison… Les gens étaient passionnés par l’idée de nous faire couler. On a subi beaucoup de stress », lâche Geoff Mathieux. «Je rêve du jour où c’est fini, tout cela: les menaces, le stress.»
Installé depuis qu’il a 12 ans aux Etats-Unis et diplômé d’un MBA, ce Franco-Américain de 48 ans a « beaucoup voyagé, partout dans le monde » pour les entreprises pour lesquelles il travaille successivement – dans le marketing, business development ou management.
L’idée de Wingz germe dans sa tête en 2007. « J’étais à Paris et je devais aller à l’aéroport Charles-de-Gaulle avec ma petite amie. On avait deux bagages et il pleuvait. Je me suis dit : c’est bête qu’on ne puisse pas réserver ou s’incruster dans une voiture » se dit-il alors, en décrivant le «stress» de devoir trouver un taxi dans chaque nouvel aéroport.
Il monte un business plan et trouve des partenaires: un Allemand, Christof Baumbach, et deux Français, Frédéric Gomez et Jérémie Romand. Ce dernier avait lancé en 2005 l’ex site de covoiturage Envoituresimone.com au succès remarqué, et avait alors « des ambitions à l’international ». En 2011, les deux projets fusionnent en Tickengo, qui, faute « d’accès aux capitaux » traverse l’Atlantique et se rebaptise Wingz.
« On est parti de rien, on a tenu deux ans sur les 125 000 dollars de départ (1), on ne se payait pas, se souvient-il dans un soupir. Puis on a levé deux millions de la part de 35 investisseurs. Et cette année, onze millions, grâce à la traction. »
Wingz a bénéficié du fait que des concepts similaires étaient poussés au même moment par Uber et Lyft. « On crée un système démocratique qui offre à tous la possibilité d’avoir un chauffeur privé et l’opportunité à chacun de gagner de l’argent avec sa voiture… Qu’une chose aussi simple et basique que conduire ne soit pas réservée à un monopole artificiel et archaïque, les taxis ».
Il estime devoir sa survie à «un coup de bol» : le fait de connaître Willie Brown, ex-maire de San Francisco. «Il a été notre meilleur avocat. Ceux qui nous avaient menacés nous ont donné les premières licences mondiales pour exercer, et on a fait changer la loi», insiste Geoff Mathieux.
Reconnaissant de la force de frappe d’Uber et de Lyft sur le plan législatif, Geoff Mathieux semble n’avoir qu’une bête noire : les taxis. « Je pense que le souhait de 50 millions de Français est plus important que 50 000 taxis. Il faudrait que la France s’ouvre et laisse faire le peuple.»
Wingz n’opère pas encore dans l’Hexagone. «C’est peut-être mieux : Le PDG d’Uber y a été gardé à vue pendant deux jours !» s’offusque-t-il. Le marché s’y libéralisera d’ici cinq ans, prédit Geoff Mathieux, ironique : «La France a l’habitude de changer lentement.»
(1) apports personnels et familiaux et 100 000$ de Kima Ventures (Xavier Niel)
(2) Le round B était mené par trois gros investissements, de Expedia, Marc Benioff et Altimeter capital.
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