Visa cherche preneur

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« On était choqué ». Pierre Bonnefil et ses collègues n’en sont toujours pas revenus. Il y a quelques mois, les candidats à l’obtention du H-1B défilaient dans le bureau de cet avocat spécialiste des questions d’immigration chez EpsteinBeckerGreen. Aujourd’hui, voir un dossier de candidature atterrir sur son bureau relève du petit miracle. « Quand on voit le nombre d’entreprises qui ferment, on comprend qu’elles aient peur. Elles préfèrent embaucher des Américains ou faire des visas de stages. »
Pour la première fois depuis 5 ans, le quota de H-1B, fixé à 65 000 par le Congrès pour l’année fiscale 2010, n’avait pas été atteint au 25 septembre, soit cinq jours avant le début de l’année fiscale. Selon le US Citizenship and Immigration Services (USCIS), il restait donc à cette date quelques 18 000 visas H-1B à pourvoir dans la catégorie générale, qui comprend des professions aussi diverses qu’architecte, comptable, informaticien, professeur, médecin ou mannequin. Même constat pour la catégorie des diplômés d’universités américaines, pour laquelle le quota de 20 000 visas n’a toujours pas été atteint. Cette situation, exceptionnelle, s’explique par la récession. « La baisse de demande de H-1B est liée au ralentissement de l’activité économique et à la diminution de la demande sur les marchés, indique Himanshu Eopal, vice-président de Immigration Voice, une association créée pour réduire les délais d’obtention de la carte verte. Lorsque l’économie repartira, la demande de H-1B repartira à la hausse.»
Jusqu’à récemment, obtenir un visa relevait du parcours du combattant, surtout depuis l’année fiscale 2004 lorsque le quota de visas disponibles est retombé à 90 000. D’ordinaire, le H-1B, valable pour 6 ans au plus, est très prisé des entreprises soucieuses d’embaucher une main d’œuvre hautement qualifiée. L’explosion des demandes au début des années 2000 dans le secteur informatique, en pleine bulle dot-com, en témoigne. Descendu à 65 000 pour l’année fiscale 2008, il avait été atteint au bout de 48h seulement après l’ouverture des candidatures, le 1er avril. Ces quatre dernières années, une loterie même a été nécessaire pour désigner les heureux gagnants.
Aujourd’hui, alors que l’économie bat de l’aile, les entreprises américaines, quand elles ne gèlent pas leurs embauches, préfèrent concentrer leur recrutement sur les Etats-Unis. Face à ce constat, les défenseurs du H-1B appellent les employeurs au sursaut, en insistant sur l’importance de la main d’œuvre étrangère pour l’économie nationale : « Les étrangers qui s’installent ici achètent des maisons, finissent pas lancer leur propre entreprise et embauchent des Américains, souligne pour sa part Himanshu Eopal. Si les Etats-Unis veulent rester leader dans l’innovation, il faudra qu’ils laissent entrer des immigrés hautement qualifiés, et qu’ils facilitent la procédure d’obtention de la carte verte, qui est aujourd’hui longue et difficile pour les titulaires de H-1B. »
Sur le long terme, certains souhaitent une réforme profonde de la manière dont le H-1B est attribué. Compete America, organisation patronale qui défend l’assouplissement de l’immigration professionnelle, plaide elle pour l’élimination du quota d’attribution, « rigide et arbitraire » au profit d’une allocation par le marché, plus adaptée aux soubresauts de l’économie. «Les entreprises américaines cherchant les plus grands talents doivent être capables d’inclure des étrangers résidant aux Etats-Unis dans leurs recherches, souligne Amy Scott, co-chair de l’association. L’économie américaine bénéficiera d’une politique d’immigration qui permettra de recruter des individus qualifiés aux Etats-Unis et à l’étranger. »
Pour l’heure, les spécialistes conseillent aux demandeurs de H-1B de monter leur dossier tant qu’il reste des visas à pouvoir. L’USCIS précise dans un communiqué qu’elle continuera à accepter les candidatures dans les catégories générale et universitaire tant que les quotas n’auront pas été atteints. « Vous serez pratiquement sûr de l’avoir à condition de ne pas attendre », insiste Pierre Bonnefil. Selon le US Census Bureau, quelques 15 000 H-1B atterrissent chaque année dans les passeports français.

Alexis Buisson
Alexis Buisson
Originaire de Saint Germain-en-Laye (Yvelines), Alexis s'est installé à New York en 2007, après avoir passé un an à Boston en échange universitaire. Il écrit pour plusieurs médias français et francophones (La Croix, Mediapart, Le Point, Télérama, La Tribune de Genève...) en plus de French Morning, dont il fut le rédacteur-en-chef de 2011 à 2019. Il est aussi l'auteur d'un guide sur la vie à New York, "S'installer à New York" (Éd. Héliopoles), et d'une biographie de la vice-présidente américaine, Kamala Harris, à paraître en 2022.

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