De la Canebière aux plages californiennes, Guy de Mangeon, 57 ans, a eu mille vies. Elève mécanicien à Marseille au début des années 70, l’intéressé s’est lancé de suite dans la vie active : «J’étais passionné de motos et de rock, raconte-t-il. J’ai donc créé un magasin de choppers, le seul du Sud de la France à l’époque.»
Quelques mois plus tard, le jeune homme saisit l’opportunité de monter une société de sécurité et travaille pour les vedettes de passage en France : «J’ai eu jusqu’à 80 personnes dans mon équipe. Nous avons fait les concerts de Carlos Santana, des Who, Bob Marley, ACDC, Kiss, Hallyday et Lavilliers…»
En dépit de cette réussite, et à l’issue d’un séjour mouvementé entre Amsterdam et Londres en 1979, Guy de Mangeon ressent le besoin de vivres de nouvelles expériences : «J’avais envie de changer d’air. J’ai tout laissé à mon associé et je suis parti à New York.»
Le Marseillais suit alors, en tant qu’éclairagiste, le périple d’un groupe de rock jusqu’au Texas, puis termine sa route en solitaire. En Californie, il passe la frontière pour découvrir le Mexique. Il passe deux mois à Tijuana, «mais Marseille me manquait. J’ai repassé le frontière pour retourner à San Diego, et j’ai eu comme un déclic : je me sentais chez moi.»
De petits boulots en mises en relation, Guy de Mangeon part à Santa Barbara en 1982 : «On m’avait dit que je pourrais y trouver du travail. Par timidité je n’ai pas osé m’imposer et j’ai donc dormi sur les bancs publics et dans les parcs durant plusieurs jours.»
Cette vie dans la rue ne dure pas. L’intéressé décroche un emploi dans une boulangerie, puis décide de vendre, seul, des viennoiseries françaises sur les marchés. En quelques mois sa réputation est faite, au point qu’un supermarché lui propose d’ouvrir un espace croissanterie, puis un restaurant baptisé «C’est la vie». «J’y suis resté près de deux ans, mais je n’étais pas sur la même longueur d’onde que mes associés. J’ai préféré partir et tout reprendre à zéro.»
Guy de Mangeon retourne à sa vente de pains et croissants, avant que la chance ne revienne lui sourire : «Fin 1987, je rencontre une vendeuse de fraises qui cherchait à se débarrasser de cinq cagettes qui lui restaient. J’ai tout acheté pour 25 dollars et 30 minutes plus tard j’avais tout revendu pour le double !»
Le lendemain, le Marseillais recommence et parvient à se faire une clientèle dans les restaurants et hôtels des environs de Santa Barbara : «Je faisais la tournée des portes de services avec ma vieille voiture. Je me suis vite fait connaître car je vendais de la bonne qualité, à bas prix.»
Début 1988, l’intéressé obtient sa licence officielle de marchand de primeurs, lance sa société, «The Berry Man», et développe sa gamme : «J’ai continué avec les papayes, framboises, myrtilles… je m’appliquais toujours à choisir les meilleurs fruits, même s’il fallait aller les chercher à 3h de route.»
Guy de Mangeon investit ensuite dans de nouveaux locaux et entrepôts au cœur de Santa Barbara, avant d’élargir son champ d’action en 1992 en s’implantant à San Luis Obispo : «Aujourd’hui, nous avons plus de 4000 références – primeurs, glaces, produits laitiers, pâtisseries… – et nous livrons de Big Sur jusqu’à Malibu.» Avec près de 160 employés et 53 véhicules, le Marseillais affiche un chiffre d’affaires de 30 millions de dollars chaque année. Une réussite qui ne lui donne pas le tournis et qui l’incite à se tourner vers de nouveaux challenges : «J’ai commencé à investir au Mexique : chambres d’hôtes et galerie d’art. Je réfléchis aussi à l’importation d’une nouvelle marque de tequila.»
Parallèlement, Guy de Mangeon y mène deux projets qui lui tiennent à cœur : la mise en place de bourses scolaires pour les enfants d’un petit village défavorisé, près de Puerto Vallarta, ainsi que le financement de missions médicales pour un village reculé.
En dépit de l’éloignement et de sa réussite outre-Atlantique, Guy de Mangeon n’en oublie pas Marseille où il revient régulièrement humer l’air du Vieux Port. Il y prendra d’ailleurs ses quartiers cet été, afin de venir fêter les 80 ans de sa mère.
Plus de renseignements www.theberryman.com