Le chef Christian Ville fête les 30 ans du Bouchon du Grove à Miami

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Christian Ville s’en frise déjà les moustaches. Ce jeudi 21 novembre, le chef français au sourire malicieux souffle les trente bougies de son Bouchon du Grove, niché au cœur de Coconut Grove à Miami. Un bistrot typique des restaurants lyonnais où la convivialité se mêle aux saveurs d’antan, sur fond de chansons d’Édith Piaf.

Plus qu’un métier, la cuisine est pour Christian Ville une véritable passion. Tel Obélix tombé dans la potion magique, ce quinquagénaire, originaire de Roanne, dans la Loire, a plongé très jeune dans l’univers exigeant de la restauration, un monde que sa famille voyait comme une vie de sacrifices. « Mes parents m’ont envoyé travailler les week-ends dans des restaurants pour m’en dissuader, mais j’ai attrapé le virus », lance-t-il dans un large sourire.

Formé chez Bocuse et Troisgros

Cet amour de la table, le Ligérien le doit aussi à sa grand-mère, figure centrale de ses souvenirs culinaires. Les repas dominicaux, qu’il décrit comme interminables, l’ont profondément marqué. « Elle avait ce don de transformer des produits simples en merveilles gustatives en un rien de temps. C’était magique », se remémore-t-il avec émotion. « Et si tu étais là à midi, elle te gardait pour le soir, mais jamais elle ne te resservait le même plat, précise-t-il. Cette générosité et ce sens du détail inspirent ma cuisine aujourd’hui.  »

Le Bouchon du Grove © Grégory Durieu

Après avoir étudié à l’école hôtelière de Saint-Chamond, dans sa Loire natale, et obtenu son BEP et son CAP, Christian Ville a fait ses premières armes auprès de figures légendaires comme Paul Bocuse et Michel Troisgros. Il a ensuite affiné son art dans des établissements de renom, tels que Chewton Glen, un hôtel de luxe en Angleterre, et La Mamounia, un palace emblématique de Marrakech. « Dans ce métier, comme en musique, on commence par apprendre le solfège et les classiques, puis on joue avec différents orchestres avant de composer sa propre partition.  »

Cette partition, Christian Ville l’interprète avec brio depuis 1998, année où une opportunité l’a conduit à Miami. Il reprend alors Le Bouchon du Grove, un restaurant en difficulté. « Quand je suis arrivé, il y avait cinq micro-ondes et deux congélateurs. J’ai tout enlevé », raconte-t-il. En misant sur des produits frais, des sauces maison et une rigueur sans faille, ce chef passionné redonne vie à cet établissement, son tout premier en nom propre. « On me disait : « Tu passes d’un palace au Maroc à un petit boui-boui ? » Mais ce boui-boui est à moi. Et un petit chez soi vaut mieux qu’un grand chez les autres.  »

La tomate lotus, plat signature

Au fil des ans, Le Bouchon du Grove s’est imposé comme bien plus qu’un bistrot. « Ici, un restaurant qui dépasse dix ans devient une institution », confie à demi-mot Christian Ville, qui se voit comme un ambassadeur de la cuisine française. Sa carte reflète sa vision : des classiques intemporels comme le bœuf bourguignon, la ratatouille ou la fricassée de volaille côtoient des créations plus audacieuses, à l’image de sa tomate lotus.

Ce plat signature, fruit d’un heureux hasard – une caisse de légumes livrée par erreur il y a une vingtaine d’années –, incarne son instinct culinaire et son profond respect des produits. Il s’agit d’une tomate géante rôtie, garnie de fromage de chèvre, de prosciutto et d’ail confit, relevée d’épices et d’huile de basilic maison, s’ouvrant délicatement, tel un lotus en fleur. « Tout est parti d’une émotion, explique-t-il. Je voulais sublimer cette tomate que je n’avais jamais cuisinée. Comme en peinture, il a fallu trouver un équilibre parfait, simple mais merveilleux, sans que cela paraisse sophistiqué.  »

Une cuisine généreuse et authentique

Refusant d’entrer dans la course aux étoiles Michelin, Christian Ville privilégie une cuisine authentique, où le goût l’emporte sur l’apparat. « Faire simple, c’est compliqué », aime-t-il répéter, citant Paul Bocuse. Ici, on saucera son assiette avec une baguette de pain, car l’essentiel reste l’expérience humaine. « Si les gens se régalent et passent un bon moment, c’est tout ce qui compte ». Une philosophie que le chef partage avec une équipe fidèle, menée par Raphaëlle Mansana, sa directrice générale, et dont certains membres l’accompagnent depuis près de trente ans. « C’est une aventure collective. Seul, on ne peut rien faire », souligne-t-il humblement.

Pour l’avenir, le chef aspire à préserver l’âme familiale et authentique de son petit coin de France à Miami, où anonymes et célébrités se côtoient, comme en témoignent les photos accrochées au mur rendant hommage à ses illustres convives : Florent Pagny, Tony Parker, Eva Longoria ou encore Frank Lebœuf. « C’est que du bonheur, comme disent les jeunes », conclut-il fièrement, prêt à écrire les prochains chapitres de cette belle aventure culinaire, toujours guidé par sa passion et sa modestie.

Grégory Durieu
Grégory Durieu
Journaliste globe-trotteur, Grégory Durieu a posé ses valises en 2016 à Miami. Il a rejoint l’équipe de French Morning la même année. Depuis, armé de son calepin et de son stylo, il arpente sans relâche les différents quartiers de la ville à la recherche des personnes et des initiatives qui la font bouger. Il collabore aussi pour le magazine de voyage Destination USA.

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