« Depuis le début de la pandémie, 1,5 milliard d’enfants dans le monde se sont mis à utiliser Zoom », annonce Xavier Lesage-Moretti, cofondateur d’Einstein Studios. Un chiffre qui justifie à lui seul la redirection donnée à sa start-up. « On a effectivement pivoté », précise le jeune CEO. Devenue Koala Virtual Classrooms – « ou juste Koala », la jeune pousse offre désormais une alternative plus immersive au célèbre outil de vidéoconférence. « Tout le monde s’accorde à dire que Zoom n’est pas la meilleure manière d’apprendre pour des enfants. Surtout quand ils ont moins de 12 ans et sont passifs devant un écran. Ils sont souvent sur Youtube à côté, ou ils décrochent », explique l’ingénieur.
Ce que propose Koala est simple. C’est une salle de classe virtuelle où l’enfant se déplace comme dans un jeu vidéo. Avec les flèches du clavier, l’élève avance ou recule, découvre l’espace, s’arrête devant le tableau blanc, écrit ou dessine. C’est très intuitif. L’instituteur fait la classe dans cette même salle, qu’il peut personnaliser à souhait. « Comme dans la vie », s’amuse Xavier Lesage-Moretti, lui-même petit-fils de professeure. « Les enseignants mettent toujours des petites décorations, les lettres de l’alphabet sur le mur, des affiches etc. » Tout est fait pour créer une atmosphère propice à l’apprentissage, et qui favorise le partage. L’enfant va aussi développer sa créativité, exprimer sa personnalité. « On peut choisir son avatar, mettre un chapeau, une cravate… Et utiliser la caméra en plus. »
Special needs
L’immersion dans la classe comme dans un jeu est particulièrement utile pour les enfants aux besoins spécifiques pour apprendre. Les « special needs kids » qui sont par exemple dyslexiques, souffrent d’un trouble de déficit de l’attention, ou d’un trouble du spectre autistique. C’est à eux que Koala s’adresse en priorité. « Cela concerne 15% de la population. Ce sont des enfants qui apprennent différemment, qui ont besoin de plus d’interaction, d’un environnement multisensoriel. Si on arrive à enseigner en adaptant le système d’éducation à ces enfants, ils vont pouvoir révéler leur potentiel. Ce serait un énorme gain pour la société. » C’est la raison pour laquelle, les classes virtuelles sont pour l’instant limitées à 5 personnes maximum. « Ça nous prendrait moins d’une semaine de développer un outil qui supporterait une salle de classe de 30 élèves mais ce n’est pas le but », confie le CEO de Koala.
L’agréable impression d’espace quand on est dans la classe virtuelle a d’autres avantages. « Deux personnes peuvent se parler au bout de la salle sans être entendues par les autres. On n’est pas obligés de tous participer à la même conversation, on peut faire des apartés. » La start-up essaie de recréer la réalité, dans un cadre ludique et accessible à tous.
Levée de fonds
Pour leur précédente activité, Xavier Lesage-Moretti et son cofondateur Benjamin Roux utilisaient la réalité virtuelle. « Mais les casques coûtent 200 dollars et on a eu une remise en question éthique. On ne voulait pas accroître les inégalités entre foyers riches et pauvres en créant des outils uniquement pour enfants aisés. » Avec Koala, ils lancent alors une application gratuite et disponible sur plusieurs plateformes (mac, windows, chromebook, et bientôt iPad). « Aujourd’hui personne ne paye. On a construit une technologie qui a des coûts assez bas (le peer-to-peer video). On va attendre de prendre de l’ampleur pour monétiser. »
Après avoir levé un pré-seed de 300 000 dollars en 2019, Koala « attaque ce mois-ci un tour d’amorçage. Avec des VC et des Business angels. » L’objectif ? « 100 000 utilisateurs actifs hebdomadaires d’ici 18 mois. » Un bon moyen d’attirer les entreprises de soutien scolaire et de leur proposer un package premium. « On souhaite vendre à ceux qui peuvent se le permettre, on veut éviter que les profs paient, comme trop souvent, de leur poche pour des outils scolaires. » Pour cela, l’équipe va « d’abord continuer à améliorer le produit. On recrute, notamment un ingénieur iOS parce que Apple distribue agressivement des iPads dans les écoles aux États-Unis. Et puis on travaillera à la distribution de nos produits dans les établissements publics et privés de l’éducation. Et potentiellement à l’étranger. »
La gamification de l’éducation
En fin de compte, deux éléments ont motivé Xavier Lesage-Moretti à entreprendre dans le domaine scolaire. Le premier ? « J’ai eu la chance d’avoir accès à une bonne éducation en France mais j’ai trouvé le système très rigide. » Le second ? « Je crois énormément au fait que la nouvelle génération, les générations z et alpha, joueront encore plus aux jeux vidéos. » Et si on allie les deux réflexions, on obtient Koala. « Un enfant qui à 8 ans va rester concentré 3 min sur Zoom, pourra tenir 3 heures sur Animal Crossing. Il faut qu’on arrive à faire converger les deux mondes, et à enseigner de manière plus immersive, plus rigolote, plus “gamifiée”, moins anxiogène finalement… C’était inconscient mais j’avais envie de bousculer le système actuel. »