La rétrospective “Keith Haring: The political line” (jusqu’au 15 février 2015 au De Young Museum) rassemble plus de 130 oeuvres qui soulignent l’engagement politique de l’artiste.
De Keith Haring, on connait l’esthétique colorée et le coup de crayon presque enfantin: un bébé qui rampe, un chien qui aboie, des bonhommes qui dansent. L’apparente simplicité du trait et le dynamisme qui s’en dégage révèlent pourtant un artiste très ancré dans son époque, et qui n’a jamais cessé d’en dénoncer les injustices et les abus.
A l’entrée de l’exposition, une statue de la Liberté aux couleurs fluorescentes, recouverte de graffiti donne le ton. D’autres icônes et références sont détournées par Haring: des amphores grecques décorées de soucoupes volantes et de silhouettes dansantes, un sarcophage égyptien graffité, des masques africains, des totems.
La rétrospective est à la fois chronologique et thématique. Né en 1962, il traverse les années 80 en météorite artistique, consacré de son vivant. Ses dessins, souvent explicites, se moquent ouvertement du puritanisme ambiant. Très inspiré par la culture de la rue, Haring fait du métro son musée permanent; il y dessine à la craie sur les panneaux publicitaires vides. Il y distribue aussi des posters, qui dénoncent l’apartheid et réclament la libération de Mandela.
Il a peu d’illusions quant à la politique du républicain Reagan: des collages de journaux mettent en exergue le climat de violence et d’oppression de l’époque. Les chevaux de bataille d’Haring sont la prolifération des armes nucléaires, le capitalisme représenté sous les traits d’un cochon dévorant l’humain, les médias de masse qui abrutissent, et les ordinateurs qui remplaceront bientôt le cerveau.
Chaque salle aborde un de ces thèmes, et on est saisi par la véhémence de l’engagement de l’artiste qui s’exprime sur des toiles parfois gigantesques, dont les couleurs vives interpellent le visiteur. La plupart des œuvres sont sans titre: le message qu’elles véhiculent est suffisamment clair.
Homosexuel affirmé, Haring aborde la sexualité masculine sans fard: les séropositifs, marqués d’une croix, brûlent dans un enfer dantesque. Sur le mur d’en face, un autoportrait d’Haring en plein réflexion semble contempler la situation avec désolation. On termine cette plongée dans l’engagement de Keith Haring par “Silence=Death” (1988), le célèbre triangle rose inversé, symbole de la défense de la cause homosexuelle, comme un dernier témoignage de l’héritage politique de l’artiste, emporté par le Sida en 1990.
“Keith Haring: the political line” ne peut laisser indifférent, et les thèmes que cette exposition aborde sont toujours d’actualité. Seul petit bémol: le silence trop feutré dans lequel on parcourt l’exposition…Keith Haring créait très souvent en musique, en particulier avec du hip-hop, issue de la culture de la rue qu’il affectionnait tant. Heureusement, l’audio-guide (en anglais uniquement, $7) est très bien fait, avec notamment des témoignages de Kristen, la sœur d’Haring, et du photographe David LaChapelle, et des mises en perspective historiques très éclairantes sur les années 80.
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