Jean-Charles Boisset, un Bourguignon à la conquête du vin californien

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Cela faisait près de vingt ans que le raisin californien n’avait pas mûri dans les cuves de la Buena Vista Winery. « Nous finissons nos premières vendanges à la fin du mois d’octobre», explique fièrement le nouveau propriétaire des lieux, Jean-Charles Boisset, président du groupe vinicole bourguignon éponyme.

Après un tremblement de terre qui a endommagé une partie des caves, les propriétaires qui se sont succédés n’ont jamais vraiment réussi à relancer la plus vieille entreprise vinicole de Californie, fondée dans la Sonoma Valley en 1857, par un immigré hongrois. Le Bourguignon est lui bien décidé à redonner à Buena Vista ses lettres de noblesse. Car pour Boisset, ce n’est pas qu’un investissement, c’est aussi une histoire d’amour qui remonte à l’enfance. «La première fois que je suis venu ici, j’avais onze ans. Mes grands-parents m’avaient emmenés ma sœur et moi en vacances avec eux, en Californie. La première entreprise vinicole que nous avons visité, c’était celle-ci. Ce voyage a profondément impacté ma vie».

Quelques années plus tard, à l’âge de 15 ans, il décide de partir seul étudier au Lycée français de Washington. «J’ai toujours su que je voulais vivre aux Etats-Unis. J’aime le dynamisme, l’ouverture d’esprit, la capacité à se remettre en question, la diversité culturelle. Dans le domaine du vin, l’idée de pouvoir conjuguer le sens du terroir européen avec ces valeurs américaines, d’apporter une nouvelle dynamique à ce métier en faisant les choses différemment, me plaît beaucoup».

Une success story familiale

Les vins du terroir, Jean-Charles Boisset et sa sœur Nathalie sont tombés dedans quand ils étaient petits. « C’est une histoire de famille relativement récente puisque mes grands-parents étaient instituteurs. C’est mon père qui en 1961 a eu envie de se lancer dans le vin en Bourgogne». De l’achat d’une parcelle à Gevrey-Chambertin à la création du siège à Nuits-Saint-Georges, il n’y eut qu’un pas, franchi en seulement dix ans. La famille décide ensuite de s’implanter outre-atlantique où elle double son effectif. Aujourd’hui, l’entreprise vinicole est l’un des 25 plus gros producteurs de vin aux Etats-Unis, et le 3e de France. « Mon père a eu la chance de commencer à l’époque des trente glorieuses, une période où tout était possible » note Boisset. « Aujourd’hui, faire ce qu’il a fait, sans patrimoine familial, ce serait très difficile ».

A la table de M. l’Ambassadeur

Passionné par l’histoire de Buena Vista, le PDG bourguignon souhaite que «les gens puissent venir y découvrir l’héritage viticole de la Californie». Les caves champenoises ont été restaurées, la salle de l’ancienne presse à vin a été transformée en salle de dégustation, tandis qu’un musée sur l’histoire de la Winery est en cours de création. Jean-Charles Boisset souhaite notamment rendre hommage au fondateur du domaine, Agoston Haraszthy. Il aurait planté dans la Vallée de Sonoma les premiers pieds de vigne européens provenant de France, d’Italie d’Espagne et du Portugal, introduisant ainsi plus de 300 variétés de raisin en Californie. Pour certains, il serait même à l’origine du célèbre cépage Zinfandel, si populaire aujourd’hui dans le Golden State.

Décomplexé, le Bourguignon, qui a épousé en 2009 une autre “winemaker” respectée, Gina Gallo (petite-fille de Julio Gallo, co-fondateur du géant vinicole californien E&J Gallo), n’hésite pas à clamer haut et fort son amour pour le terroir californien.  Il souhaite d’ailleurs faire découvrir ses vins aux Français qui auraient encore des a priori sur la question. « Il y a en France un marché, encore limité pour le vin californien, mais qui est en train de s’ouvrir. Je suis optimiste, les Français sont curieux» affirme Boisset qui compte mettre en avant l’héritage européen de son domaine pour les convaincre. Pour l’instant, il travaille à  faire découvrir sa production californienne aux distributeurs, aux restaurants et magasins spécialisés en Europe. Ses vins ont récemment séduit l’ambassadeur américain à Paris qui les sert désormais à sa table.

Quid du vin français dans tout ça ? Boisset refuse de choisir. Il est d’ailleurs plutôt fier d’un de ses vins d’assemblage de pinots noirs provenant de la Russian Valley californienne et de la Côte de Nuits bourguignonne. “C’est un vin symbolique qui allie le meilleur des deux plus belles régions viticoles du monde” explique-t-il. “Ce qui est intéressant, c’est que ces deux vins, mis au contact de l’un et de l’autre, s’améliorent mutuellement. Pour moi qui suis marié à une américaine, c’est tout un symbole !”. 

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