A quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle en France, les pronostics vont bon train dans la presse américaine. Et ils sont partagés. Le Washington Post taxe Hollande d’ “inexpérimenté” et d’”imprudent“, “incapable d’être le capitaine de la France durant la tempête économique“, mais souligne aussi que Nicolas Sarkozy ne fait pas l’unanimité, notamment à cause de son langage peu châtié. “Nicolas Sarkozy a tendance à parler dans un registre beaucoup moins soutenu que celui de ses collègues“, estime le quotidien. Beaucoup de Français “n’aiment pas ses manières“. Selon le San Francisco Gate, Nicolas Sarkozy ne peut même plus compter sur les Français de l’étranger pour se rassurer. En effet, selon le site, les expatriés se sentent exclus de cette campagne « franco-française », s’exclame l’un d’eux. Un autre peste contre la décision de l’UMP de ne pas organiser de meeting à l’étranger, comme Nicolas Sarkozy l’avait fait en 2007 : “Les Français sont partout dans le monde. On ne peut pas tous les atteindre avec une seule visite. Puis, pendant ces cinq ans comme Président, il a eu plusieurs occasions de venir rencontrer les Français de l’étranger ».
L’américanisation de François Hollande
Il y a un quand même un candidat qui intéresse nos confrères américains : François Hollande. Le New York Times brosse un portrait du socialiste dans un article intitulé « The Soft Middle of François Hollande» dans lequel il va jusqu’à comparer sa candidature à celle de Mitt Romney (car elle «n’inspire que peu de passion ») et celle de Nicolas Sarkozy à la campagne de George W. Bush en 2004 car il veut « éviter de faire de l’élection un référendum sur son dernier mandat ».
Dans cet article, le quotidien revient sur les rapports du socialiste avec les Etats-Unis, en évoquant notamment sa venue, en 1974, grâce à une bourse accordée par son école de commerce, pour analyser “l’invention américaine suprême du marché du fast-food – en particulier McDonald’s et Kentucky Fried Chicken, qui ne s’étaient pas encore implantés en France“. Sur fond de guerre du Vietnam et de scandale du Watergate, le jeune François Hollande « a parcouru les Etats-Unis de New York à San Francisco ». « Il a écrit un rapport disant que le fast-food arriverait en France. ‘J’aurais pu faire fortune en vendant des cheeseburgers, mais j’ai choisi la politique’ » confie-t-il au Times lors d’un déplacement à Marseille. « Sa compagne, la journaliste Valérie Trierweiler, s’est interposée, avec un soupir: ‘Et depuis, il a gardé un certain goût pour les hamburgers. »
Ce serait-on donc tous trompés: Hollande est-il le vrai Américain de l’élection? Pas si vite. Pour le journal, le socialiste, “avec son dégoût affiché pour les riches et les signes ostentatoires” de richesse, représente un “retour vers la politique traditionnelle française“. Diplômé de l’ENA, le candidat a emprunté “la voie la plus typique en France” pour se frayer un chemin en politique.
A défaut de s’américaniser en profondeur, Hollande s’américanise en surface, dans son style de campagne, note pour sa part la chaîne MSNBC, qui consacre un article sur son site aux différences entre les élections présidentielles française et américaine. Pour la chaîne d’information, le candidat socialiste a été coaché par des « directeurs de campagne formés à l’américaine ». « Nous poussons pour plus d’Amérique dans les élections françaises depuis deux ans, confie un membre de la direction de campagne d’Hollande à MSNBC. Nous poussons cela, vous savez, ‘faisons ce qu’Obama a fait depuis deux ans’ ».
Deux Français font une leçon d’économie aux USA
Tandis que l’équipe de François Hollande tente de l’américaniser, deux économistes français reconnus tentent de « franciser » les Etats-Unis. Dans le New York Times, Thomas Piketty et Emmanuel Saez déclarent la guerre aux inégalités sociales américaines en proposant de taxer les plus riches. Américanophiles tous les deux, « ils expriment leur surprise face au débat actuel sur les riches, qui ont capté la plupart des augmentations de revenus ces trente dernières années et devraient payer plus d’impôts». Leur proposition pour réduire les inégalités a de quoi faire bondir démocrates et républicains: « Des taux d’impositions marginaux beaucoup, beaucoup plus élevés, à 50, 70 ou 90% par rapport au taux actuel de 35% ». On entend d’ici le lecteur s’en prendre à ses Français qui dégainent l’impôt plus vite que leur ombre. Pour nos économistes, c’est pourtant une nécessité : « D’une certaine manière, les Etats-Unis deviennent la Vieille Europe, ce qui est très étrange dans une perspective historique, souligne Thomas Piketty. Les Etats-Unis étaient très égalitaires, pas seulement dans l’esprit mais aussi dans les faits. L’inégalité des richesses et des revenus était bien plus grande en France. Taxer lourdement les riches et les très riches a été inventé aux Etats-Unis ».