François Ozon s'enferme "Dans la maison"

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C’est une histoire à tiroirs. Ceux du bureau d’un professeur désabusé (Fabrice Luchini) sombrant dans les vices du voyeurisme offerts par les dissertations de son élève préféré (Ernst Umhauer). “Dans la Maison”, le dernier  thriller de François Ozon inspiré de la pièce Le garçon du dernier rang de Juan Mayorgan, sort dans les salles américaines le 19 avril.

Monsieur Germain était voué à une carrière d’écrivain mais son manque d’ambition l’a conduit à se retrouver professeur de français dans un lycée de banlieue parisienne où les élèves se ressemblent, non seulement par leur uniforme récemment imposé par une réforme de l’Education Nationale, mais surtout par leur médiocrité. Cet enseignant passionné de lettres, aigri, dégoûté aussi bien par sa carrière que par sa femme (Kristin Scott Thomas), voit son quotidien chamboulé par une dissertation hors du commun rendue par Claude, un de ses élèves qui ressemblent pourtant aux autres. Celui-ci y raconte son intrusion “dans la maison” de son camarade de classe, Rapha, et y décrit avec délectation “l’odeur de la classe moyenne“. Le professeur se prend au jeu, chaque nouvelle copie plonge le spectateur dans le récit d’un voyeurisme exhaustif auquel se livre avec plaisir le jeune écrivain en herbe.

Mélange de fiction et réalité, le film nous livre deux récits emboîtés, celui de M. Germain et celui de Claude, examinant ainsi le processus de création, épine dorsale du scénario. “C’était une façon pour moi de tester différents genres de films en un“, explique François Ozon. Alors que l’intrigue se met en place, les questions s’enchaînent pour le spectateur: qui du professeur ou de l’élève détient le récit véridique? Lequel est réellement le maître de l’autre? Où s’arrête le voyeurisme? Où commence la folie? Tant de questions qui ne trouvent malheureusement que peu de réponses lors du dénouement, trop léger au risque de laisser le spectateur sur sa faim. “J’ai voulu obliger l’audience à travailler, à se demander ce qui était vrai, ce qui était faux, en filmant toutes les scènes de la même manière“, justifie le cinéaste.

Loin du blockbuster à l’américaine, Dans la maison assume clairement sa French Touch et se situe parfaitement dans la lignée des précédents films du réalisateur: le côté autoportrait déjà présent dans “Angels”, l’intérêt pour le procédé créatif de “Swimming Pool” et la présence d’un Luchini au sommet de son art, auparavant à l’affiche de “Potiche”. François Ozon, dont la réputation n’est plus à faire en France, n’envisage pas d’exporter sa marque de fabrique aux Etats-Unis. “En France, je suis libre, je ne suis pas sûr que je serais capable de travailler dans le système américain“, précise-t-il.

Conclusion: il faut aimer Ozon pour apprécier Dans la maison. Si le dernier bébé du réalisateur a reçu deux prix (Prix de la Fripresci au Festival de Toronto 2012 et Coquille d’Or au Festival de Saint-Sébastien) et six nominations aux Césars 2013, il peut laisser au spectateur novice un sentiment d’inachevé, la sensation d’un scénario riche à peine effleuré par des acteurs au jeu pourtant captivant. Le sujet est traité mais la peinture sociale réalisée par François Ozon manque d’éclat. On attend, tout au long du film, un élan poétique, un vertige, qui auraient peut-être généré plus de souvenirs une fois les lumières rallumées.

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