"Les Etoiles avaient déserté le ciel": dans les coulisses des missions de l'ONU

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Célhia de Lavarène est chez elle dans le bâtiment en verre des Nations unies. Assise dans le salon réservé à la presse accréditée, elle enchaîne les sourires, les signes de la main, les hochements de tête.
Ici, tout le monde ou presque la connaît. Il faut dire que la journaliste, ancienne de Jeune Afrique qui couvre aujourd’hui l’ONU pour Mediapart, est dans les murs depuis plus de 20 ans, dont 15 sur le terrain. Pas comme journaliste mais comme travailleuse humanitaire pour l’organisation. L’ONU, elle la connaît par coeur et elle la raconte dans son livre sorti en France Les étoiles avaient déserté le ciel.
Célhia de Lavarène est directe et ne mâche pas ses mots. Dans son livre, elle dénonce les abus dont elle a été témoin, comme certains fonctionnaires “qui considèrent l’ONU comme une vache à lait“.
Elle dénonce aussi l’exploitation sexuelle qui apparaît avec chaque guerre, et chaque mission. “En 2001, en Bosnie j’étais en charge de la lutte contre le trafic des êtres humains, raconte-t-elle. On a libéré de nombreuses femmes qui étaient forcées de se prostituer, mais sans recevoir le soutien des Nations-Unies. On m’a même dit à l’époque que j’empêchais les soldats d’exercer leurs droits de l’Homme“. Son combat contre l’exploitation sexuelle lui vaudra d’ailleurs de voir son nom rejoindre, selon elle, la liste noire de l’ONU, “là où on classe ceux qui ont osé critiquer en public l’institution“, explique-t-elle.
Malgré tout, quelques années plus tard, elle est rappelée sur une mission au Libéria, où elle se bat de la même façon. “Un jour, on a réussi à sortir d’un bordel une gamine de 15 ans et on lui a rendu son passeport qui avait été confisqué. Quand elle a lu son nom dessus, elle a changé de visage, elle était plus forte. Elle avait retrouvé une identité, un nom, un âge. J’ai beaucoup appris d’elle et de toutes ces femmes qui ont vécu des choses terribles. Elles m’ont donné foi en la vie“, confesse Célhia de Lavarène.
Certaines missions laissent des traces plus difficiles à estomper. Pour la journaliste, ce sera la région croate de Slavonie orientale en 1997. “J’ai mis six mois à m’en remettre, raconte Célhia de Lavarène. J’y ai vu des gens humiliés, exécutés. On nous appelait la nuit parce que des Croates avaient mis le feu à une maison serbe avec une famille entière dedans. Je n’étais pas préparée et l’ONU n’avait rien prévu pour nous soutenir moralement“.
Si Célhia de Lavarène est critique vis-à-vis de l’organisation internationale, elle n’a pas l’impression que ses missions aient été vaines. Pour preuve, son passage en Afrique du Sud en 1994. “C’était une mission courte d’encadrement des premières élections libres. J’ai eu le sentiment de vivre un moment historique et que sans l’ONU, ça n’aurait pas été possible“. Parmi ses souvenirs, une très vielle dame noire qui arrive le matin du vote poussée dans une brouette. “Elle avait 104 ans, ne savait ni lire ni écrire, se souvient la journaliste. Elle voulait voter avant de mourir. On a tous été marqués par cette femme. Depuis, je ne manque pas une élection. On ne se rend pas compte de la chance qu’on a de vivre dans des pays comme les nôtres“.
Impossible de parler de l’ONU avec cette observatrice privilégiée sans aborder la situation en Syrie. En six ans de conflit, les résolutions, dénonciations et réunions d’urgence se sont enchaînées sans aucun résultat. “L’ONU est paralysée par son système, sa bureaucratie et un Conseil de sécurité inadapté. La Russie est partie prenante et alliée du régime de Bachar al Assad. Elle a un droit de veto qu’elle exerce évidemment!
La journaliste garde pourtant espoir et salue l’élection du Portugais Antonio Gutteres au poste de secrétaire général. “C’est quelqu’un qui a du caractère, beaucoup plus que Ban Ki Moon qui n’a rien fait. Gutteres ne manie pas la langue de bois et a promis des réformes“. Mais que pourra-t-il faire face aux blocages du Conseil? “Lui aussi va faire face à un mur. Espérons qu’il ne va pas changer et se fondre dans le moule“.

  1. Je viens de lire le livre, cette Dame, cette grande Dame a fait un travail extraordinaire, moi simple citoyen, je la félicite. Tous nos grands(petits) dirigeants feraient bien d’en prendre de la graine…
    Si tous ces gens qui ont de hautes responsabilités agissaient comme elle l’a fait, le monde la société irait bien mieux avec moins de malheur, moins de misère, moins d’injustice ect..
    Voilà le font des problèmes de nos société et de notre monde..
    Un simple petit citoyen
    Serge RICHARD

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