Damien Regnard, le sénateur surprise

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Je me suis dit que c’était encore quelqu’un qui ne comprenait pas le décalage horaire“. Quand son téléphone portable s’est mis à sonner sur les coups de 5 heures un matin de juillet, Damien Regnard dormait “profondément” chez lui à la Nouvelle-Orléans.
Mais quand il s’est mis à sonner “à quatre-cinq reprises toutes les deux minutes“, il s’est dit que quelque chose ne tournait pas rond. Il était loin de se douter que son interlocuteur lui annoncerait qu’il était nommé sénateur des Français de l’étranger. “C’était un changement de vie radical non attendu et non préparé. On se retrouve parisien alors qu’on était américain depuis 22 ans“, résume-t-il dans son nouveau bureau en face du Sénat, dont l’un des murs est décoré du drapeau de la Louisiane.
Personnalité connue du landerneau associatif et politique français aux Etats-Unis, Damien Regnard, 52 ans, fait partie des douze sénateurs représentant les Français de l’étranger au Palais du Luxembourg. Il doit ce retour précipité en France au Conseil constitutionnel. Le conseiller consulaire, deux fois candidat à la législative en Amérique du nord, ancien président de la chambre de commerce franco-américaine de la Nouvelle-Orléans, était le non-élu suivant sur la liste sénatoriale divers droite de Jean-Pierre Bansard, l’homme d’affaires dont l’élection a été invalidée fin juillet par les Sages en raison d’irrégularités sur son compte de campagne. Il lui est reproché d’avoir pris en charge l’hébergement et le voyage de plusieurs électeurs sénatoriaux dans l’interêt de sa candidature et de ne pas avoir intégré ces dépenses à son compte de campagne. Il a été déclaré inéligible pour un an.
À l’époque, Damien Regnard ne pensait même pas au Sénat en se rasant. Son objectif du moment était de faire des travaux sur sa maison. “Les dernières nouvelles allaient plutôt dans le sens d’un maintien de l’élection, se souvient-il. Je n’y faisais pas attention“.
Que pense-t-il des faits reprochés à Jean-Pierre Bansard ? “Je ne commente pas les décisions de justice, d’autant que je n’ai aucune information là-dessus“, assure-t-il, ajoutant qu’il n’a pas été contacté par l’élu déchu depuis son arrivée surprise. “Ce n’est pas la première ni la dernière fois que ce genre de choses arrive. On l’a vu avec l’invalidation de l’élection de Corinne Narassiguin à la législative de 2012“.
En quelques semaines, le nouveau sénateur a dû trouver un appartement (il gardera toutefois sa résidence principale à la Nouvelle-Orléans), recruter des collaborateurs, meubler son bureau… Depuis la rentrée de septembre, il a plein de “nouveaux amis” et surtout beaucoup de pain sur la planche. Membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, il posé ses premières questions au gouvernement, effectué ses premiers déplacements et poussé son premier coup de gueule (contre la nomination, actuellement gelée, de l’écrivain Philippe Besson, un proche des Macron, au consulat de France de Los Angeles).
Ses autres motifs de courroux en ce moment sont le projet de loi de finances “catastrophique” pour 2019, qui réduit le budget de l’action extérieure de l’Etat, et le manque de moyens alloués à l’Agence pour l’enseignement du français de l’étranger (AEFE) alors qu’Emmanuel Macron veut doubler les effectifs d’enfants scolarisés dans le réseau d’ici 2030. “On parle de rayonnement sans se donner les moyens, regrette-t-il. On se rend compte que les Français de l’étranger ne sont pas une priorité. Ce que je peux comprendre. Il y a suffisamment de problèmes en France pour que les médias ne s’intéressent pas à la vie des Français de l’étranger“.
Mais, malgré les “lenteurs“, les “codes” à s’approprier et une “réadaptation qui n’est pas encore finie”, il connait des “satisfactions“. “On parvient à lever des blocages pour les entreprises qui veulent s’installer dans des pays étrangers. J’exulte car c’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. C’est très concret, dit-il. Je travaille 18 heures par jour, mes nuits sont courtes. On se demande si on va être à la hauteur. La circonscription couvre le monde entier. Les problématiques sont nombreuses. On est dans un tourbillon“.

Alexis Buisson
Alexis Buisson
Originaire de Saint Germain-en-Laye (Yvelines), Alexis s'est installé à New York en 2007, après avoir passé un an à Boston en échange universitaire. Il écrit pour plusieurs médias français et francophones (La Croix, Mediapart, Le Point, Télérama, La Tribune de Genève...) en plus de French Morning, dont il fut le rédacteur-en-chef de 2011 à 2019. Il est aussi l'auteur d'un guide sur la vie à New York, "S'installer à New York" (Éd. Héliopoles), et d'une biographie de la vice-présidente américaine, Kamala Harris, à paraître en 2022.

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