“Certaines scènes étaient tellement barrées, que Fabrice Luchini ou Juliette Binoche en perdaient leur latin”, confie Bruno Dumont au sujet de son dernier long-métrage “Ma Loute” (“Slack Bay”). Une comédie ubuesque, poussant l’absurde et le burlesque à leur extrême, en salles à New York depuis le 21 avril et dès le 28 avril à Los Angeles puis dans le reste des Etats-Unis.
Le pitch: En 1910, au Nord de la France, deux policiers, Machin et Malfoy enquêtent sur de mystérieuses disparitions dans la Baie de Slack. Un territoire où cohabite les Van Pettigame, une famille de riches bourgeois consanguins, fin de race, à la limite de la démence, et les Brufort, pêcheurs de moules, cannibales, se nourrissant de riches touristes disparus sur la plage. Au milieu de ce joyeux bordel, Billie, garçon androgyne des Van Pettigame, vit une amourette avec Ma Loute, fils des Brufort.
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Deux Familles qu’on retrouve jusque dans le casting du long-métrage. Une des particularités de Bruno Dumont est son choix pour des acteurs non-professionnels. Depuis ses premiers films, le réalisateur fait très rarement appel à des comédiens de la profession. En 1999, avec son film “L’humanité”, il voit même récompensés des prix d’interprétation masculine et féminine au Festival de Cannes, ses deux acteurs principaux, inconnus du monde du cinéma et dont ce sera le seul film.
“Pour “Ma Loute” j’avais besoin de professionnels pour camper des personnages extrêmement extravagants, ce qu’un non professionnel ne pourrait pas faire”, explique le réalisateur, qui a su pousser des grands noms du cinéma français au-delà de leurs retranchements. Il a donc fait appel à une Juliette Binoche, aussi délurée que décadente, ou à un Fabrice Luchini a mi-chemin entre Aldo Maccione et Droopy sous LSD. Un duo complété par Valeria Bruni Tedeschi et Jean-Luc Vincent, eux aussi aux portes de la folie.
Une joyeuse famille, totalement recluse dans son Typhonium, une villa d’art égyptien qui domine la baie, où l’inceste est plus que monnaie-courante. Une métaphore du monde du cinéma ? “On peut le voir comme on veut” sourit Bruno Dumont, “déjà les acteurs c’est une famille consanguine, mais comme toutes les familles. Il y a une tendance naturelle à l’entre-soi. Mais c’est aussi une métaphore de nous-même. Les personnages sont suffisamment fous pour s’émanciper de leur classe sociale. Ils ne sont plus eux-mêmes finalement. Dans notre fort intérieur on est à la fois Van Pettigame et Brufort. En nous, il y a un vieux pêcheur qui pourrait tout défoncer et en même temps un bourgeois raffiné et ridicule”.
Sans queue, ni tête, “Ma Loute” se veut comme une comédie déjantée, un point c’est tout. “Le cinéma français est très psychologique et social. La pertinence sociale de mes films est nulle. Ça ne m’intéresse pas”, explique le metteur en scène qui conçoit son cinéma émancipé de toute dimension politique. “C’est une fiction totale. Le fait que j’emplois des non-professionnels, peut semer le trouble chez les spectateurs qui ont du mal à décoller. Ils prennent au premier degrés ce qu’ils voient alors que je fais un cinéma du 5ème degré. Ils prennent pour argent-comptant ce qu’ils regardent et pensent que les gens du Nord sont complètement crétins, ce qui n’est pas le cas”.
Actuellement en promotion pour “Ma Loute” aux Etats-Unis, Bruno Dumont repartira ensuite à Cannes pour présenter une mini-série musicale autour de l’enfance de Jeanne d’Arc.
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