L'ambassadeur Gérard Araud: "Je ne sais pas où je serai dans trois mois"

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Son agenda est encore bien rempli et il n’a pas commencé à transmettre les dossiers à son successeur. Mais Gérard Araud est bien en train de préparer sa vie d’après. Après trois années à Washington, douze au total sur le sol américain et 35 ans dans la diplomatie, l’ambassadeur de France aux Etats-Unis sera à la retraite d’ici cet été. Pas question de s’arrêter de travailler pour autant, il cherche à rebondir, entre la France et les Etats-Unis. « Je ne sais pas où je serai dans trois mois, ce n’est pas une tragédie, c’est plutôt excitant », confie-t-il à French Morning.

Nommé par Francois Hollande en 2014, Gérard Araud sera remplacé par Maurice Gourdault-Montagne, qui a été notamment conseiller diplomatique de Jacques Chirac à l’Elysée. « Non. Je ne suis pas puni. C’est la fin normale de mon mandat de trois ans », tweetait-il il y a quelques semaines. Un message en réponse à ceux qui le disaient mis sur la touche pour avoir lancé « Un monde s’effondre devant nos yeux » sur Twitter le soir de l’élection de Donald Trump.

« J’ai effacé ce tweet au bout de quelques minutes mais il avait eu le temps de devenir célèbre », reconnaît-il aujourd’hui. Avant de plaider l’erreur d’analyse : « Les gens ont interprété ce message comme une critique de Trump alors que pas du tout. C’était une manière de dire, avec le Brexit, que c’était la fin d’une certaine façon de faire de la politique ».

A l’heure du départ, Gérard Araud continue d’assumer son style, parfois fort peu diplomatique. Il le revendique même en rappelant, dans un sourire, qu’il a 35.000 followers sur Twitter. « On peut très bien faire le rôle de l’ambassadeur Ferrero Rocher, personne ne s’en plaindra. Je trouve que c’est plus ou moins inutile, j’ai essayé de changer ce métier. Mais les Français sont paradoxaux : d’un côté, il faut que notre administration se modernise mais quand elle se modernise, ils s’en plaignent. J’ai sans doute commis des erreurs mais je crois que le résultat global n’est pas mauvais », résume-t-il.

Ses trois années à Washington n’ont pas été marquées par des crises diplomatiques majeures. Mais elles ont été endeuillées par trois attentats. Celui de Nice reste l’un des souvenirs les plus marquants. « J’ai appris l’attaque du 14 Juillet alors même que je m’apprêtais à aller à la cérémonie organisée à l’ambassade. Et ce qui devait être une célébration de la Fête nationale est devenu un moment de deuil », se souvient-il.

Dans son bureau, Tintin, Milou et le capitaine Haddock sont toujours à leur place, dans leur cabriolet jaune miniature des Sept boules de Cristal. Pas d’urgence, Gérard Araud se donne encore quelques mois pour trouver le bon point de chute. Mais il sait déjà ce qu’il ne veut pas faire : de la politique en France. « Je n’en ai jamais fait et je n’en ferai jamais », répond-t-il du tac au tac. Un ambassadeur en fin de carrière se consacrerait plutôt à l’écriture de ses mémoires… « Ce sont en général des exercices de vanité un peu ennuyeux, j’espère ne pas tomber dans ce travers », lance-t-il.

Pour l’instant, c’est donc en direction des think-tanks que ses recherches se concentrent. « Parmi les qualités de nos amis américains, il y a ces instituts de recherche, c’est une ressource étonnante où vous avez des gens qui peuvent réfléchir longuement sur des sujets assez précis », vante-t-il. Son sujet de prédilection : la relation transatlantique aujourd’hui.

Mais pas facile quand on a été fonctionnaire toute sa vie de passer des entretiens d’embauche. « C’est un nouvel exercice et je ne m’y sens pas particulièrement à l’aise », reconnaît-il avec franchise. « Quand on est ambassadeur, on est le patron. Et là je ne serai sans doute pas le patron donc c’est un nouveau défi. Parfois, je me sens un peu… perplexe ».

Avant de partir, Gérard Araud va quand même devoir servir pendant quelques semaines un nouveau président. Marine Le Pen ? « En langage diplomatique, je dirais que ce serait un désastre total », avait-il confié au Washington Post. Le Quai d’Orsay a depuis envoyé une lettre à tous les ambassadeurs rappelant leur « devoir de réserve ». « Ce devoir de réserve s’efface devant la conscience. Les diplomates ont le droit et le devoir de la suivre », insiste aujourd’hui Gérard Araud.

Mais pas question de choisir un candidat pour autant, tout du moins pas publiquement. Aux Français de l’étranger qui sont inscrits sur les listes électorales, l’ambassadeur de France à Washington a un seul message avant le premier tour de la présidentielle : « le 8 novembre à 6pm, la campagne de Madame Clinton m’annonçait qu’elle était élue. Et nous savons ce qu’il s’est passé. Tout est possible et donc tout Français doit voter ».

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