La messe est terminée. L’église se vide. Quelques paroissiens munis de leur iPhone et de leur appareil photo veulent immortaliser la nef et l’autel, flanqué des drapeaux français et américains. Tout est bon pour conserver un souvenir.
Les fidèles de Saint Vincent de Paul ont célébré leur dernière messe, dimanche, jour de l’Epiphanie, dans la petite église francophone de la 23e rue. Certains pensaient que ce jour ne viendrait jamais – leur combat contre l’archevêché de New York, pour maintenir l’église ouverte, dure depuis des années. Ils sont désormais mis devant le fait accompli. “Je ressens beaucoup de tristesse, beaucoup de tristesse, soupire Etienne, qui se rend à Saint Vincent de Paul depuis plus de 20 ans. J’irai ailleurs, je n’ai pas le choix.“
Située sur la 23e entre la 6e et la 7e avenue depuis plus de 150 ans, Saint Vincent de Paul était l’une des dernières églises francophones de Manhattan. Elle fut aussi l’une des seules à rassembler des catholiques blancs et noirs, originaires de France, de Belgique, d’Haïti ou d’Afrique de l’ouest, à la fin du XIXe siècle. En 1952, Edith Piaf s’y est mariée avec le chanteur Jacques Pills.
Des irrégularités dans la procédure
Dimanche, l’église était comble. Epiphanie oblige, les paroissiens étaient conviés à une distribution de galette des rois au sous-sol de l’église, où le Carrefour pastoral pour la francophonie, une association de soutien pour les immigrés francophones, a élu domicile.
L’église ne sera pas détruite ou vendue pour le moment. En effet, ses défenseurs ont entamé une action auprès de la justice du Vatican pour la faire rouvrir, arguant d’irrégularités dans la procédure de fermeture. Une démarche qui a abouti à la réouverture de plusieurs églises dans l’Ohio et le Massachussetts. Mais, en raison des spécificités de la justice vaticane, un verdict pourrait mettre plusieurs années à tomber. “On parle de deux ans à trois ans”, souligne Peter Borre, un avocat basé à Boston qui fait le lien entre le Vatican et Saint Vincent de Paul. “Certains évêchés font fermer des églises pour plusieurs années. Négligées, elles finissent par mourir”, observe-t-il.
En attendant, les fidèles de Saint Vincent de Paul risquent de se disperser. En effet, certains sont peu enthousiastes à l’idée de se rendre à l’église Notre-Dame, dans le nord de Manhattan, que l’archevêché a désignée comme paroisse de substitution. D’autres, dépités, parlent de se rendre dans des églises anglophones, mieux placées. “Nous devons continuer à nous voir pour maintenir une communauté“, indique Olga Statz, secrétaire de Save Vincent de Paul, l’association de défense de l’église. “Le combat continue.”