Expatriée en couple à New York, je savais que faire un bébé au pays du dollar roi allait présenter quelques différences avec les expériences vécues par mes amies en France avant moi. Le jour où le test de grossesse est devenu positif, j’ai commencé ma grossesse américaine. Ma principale inquiétude était le taux de césariennes, extrêmement élevé aux Etats-Unis (31,8% contre 20,2% en France en 2011), et ce que cela aurait impliqué pour moi, qui vis au 6ème étage sans ascenseur, loin de ma famille.
La question de l’assurance est cruciale et déterminera l’hôpital et le médecin qui me suivront. Il faut d’abord voir avec son assurance quels hôpitaux lui sont affiliés, puis trouver un médecin conventionné à la fois avec l’assurance et l’hôpital. J’ai de la chance, mon assurance couvre tous les hôpitaux de New York, je fais mon choix en fonction de la géographie: ça sera Lenox Hill Hospital. J’ai ensuite sélectionné un cabinet d’obstétriciens sur le même critère, à partir d’une liste fournie par mon assurance. L’accouchement à lui seul peut coûter de 5.000$ à 40.000$ aux Etats-Unis, sans compter le suivi et les tests effectués tout au long de la grossesse, alors il vaut mieux être certain qu’ils seront tous pris en charge.
Celles que rebute l’hypermédicalisation du suivi classique peuvent choisir d’accoucher chez elles. Cette option a en plus l’avantage de ne coûter “que” 7.500$, pris en charge par une assurance, pour tout le suivi, l’accouchement et les soins post-partum. Thérèse, 27 ans, a choisi cette option. “J’avais déjà accouché à domicile pour mes deux premiers, nés en Europe.” Elle considère que l’hôpital fait de la gestion de risque. “Mon accompagnement est très personnalisé et les échographies ne sont pas obligatoires. Ma sage-femme a une formation très poussée et est une experte en physiologie, à l’inverse d’un médecin qui est expert en pathologie.“
Un principe conditionne le suivi par un OB/GYN (obstétricien gynécologue, à prononcer “obidji-ouaille-aine“): il m’en dira le moins possible tant que tout se déroule normalement. Marion (le prénom a été changé), 33 ans, a trouvé ce système parfait pour elle : « Mon OB/GYN était très disponible pour répondre à mes questions, mais elle ne m’a jamais inquiétée inutilement, alors que j’attendais des jumelles, ce qui ajoute de l’intensité au suivi. J’ai passé plus de 20 échographies en tout ! ».
Mon médecin confirme l’importance de la prise de vitamines prénatales, me dit de continuer le sport jusqu’à cinq mois de grossesse et de faire attention à mon hygiène de vie : rien de cru, bien laver les fruits et légumes, pas d’alcool et pas de tabac. Ca change de la liste sans fin de produits interdits qu’a reçue mon amie Perrine, 30 ans, enceinte au même moment que moi en France.
Vingtième semaine, échographie à l’hôpital avec un technicien spécialisé. Il prend les mesures du bébé, demande si on veut savoir le sexe, et part communiquer les résultats au médecin de garde, qui passera sa tête par la porte 10 minutes plus tard pour nous éclairer, le futur père et moi-même, d’un « tout va bien, c’est une fille, au revoir. » True story. En France, au même moment, Perrine est bombardée d’informations sur les mesures du bébé, de son col de l’utérus et de ses taux hormonaux. Je ne saurai rien du mien avant le 8ème mois, parce qu’aux Etats-Unis, jusque là, le médecin ne voit de sa patiente que le ventre, pour les petites échographies d’usage.
Leila, 35 ans, a eu le même sentiment que moi : « Avec les Américains, business is business, ils n’ont pas de temps à perdre. » Elle me raconte, amusée, que le service clientèle de son hôpital l’a appelée après l’accouchement pour savoir si elle en était contente.
Les huit premiers mois sont passés très vite, les visites se sont succédées sur le même modèle: analyses avec une nurse, mes questions sont préparées à l’avance et mon médecin prend en général 5 minutes à la fin pour y répondre.
À 39 semaines, soit une semaine avant le terme américain, la pression pour faire une césarienne commence. Adeptes du moindre risque médical, quitte à sacrifier le confort post-partum, les médecins proposent l’acte chirurgical à la moindre occasion. Je serai quasiment obligée de céder au médecin sur la question du déclenchement à l’ocytocine (pitocin en anglais) de mon accouchement à 41 semaines d’aménorrhée (soit l’équivalent du terme français), sachant que cela augmente le risque de césarienne de 50%, ce qui n’a pas raté. Une semaine plus tôt qu’en France donc, et après bien des négociations. La méthode du médecin qui en dit le moins possible lui permet de faire monter l’inquiétude brutalement en envisageant TOUS les problèmes que sa patiente et son bébé pourraient avoir si ses conseils n’étaient pas suivis.
Perrine vient d’accoucher et me raconte que les 20 ans d’expérience de sa sage-femme ont vraiment pesé dans la balance pour le bon déroulement de la naissance. Aux Etats-Unis, il n’y a pas de sage-femme dans le cadre d’un suivi à l’hôpital, l’accouchement est en grande partie assuré par une infirmière et le médecin vient régulièrement vérifier si tout se passe comme prévu. Je cèderai donc sur la question de la césarienne par manque de confiance en les capacités de mon médecin à assurer un accouchement classique qui se compliquerait. Dans mon cas, la peur du cordon ombilical autour du cou a joué en faveur d’une césarienne. Je n’aurais sans doute pas fait le même choix si j’avais eu une sage-femme expérimentée à mes côtés.
Au final, mon bébé est né en bonne santé, mon médecin a très bien géré la douleur liée à la césarienne, j’ai pu monter les six étages de mon immeuble sans trop de problèmes, et j’ai pu bénéficier de l’aide de ma famille les premières semaines, ce qui a fait passer la pilule un peu plus facilement. Et bien évidemment, quelques mois plus tard, tout cela n’était plus qu’un lointain souvenir, ma petite fille justifiant largement les quelques déboires de fin de grossesse. Si je le referais? Bien sûr! Mais la prochaine fois, je ne cèderai pas sur la question du déclenchement de la naissance, et surtout, je demanderai à une sage-femme de m’accompagner sur toute la grossesse (sachant que cela pourrait représenter un gros effort financier, qui ne sera pas pris en charge par l’assurance). Oui, accoucher dans de bonnes conditions est aussi un sport de riches.