Vélos cadenassés, poussettes rangées: à la French American Charter School d’Harlem (NYFACS), on vote en famille et entre amis en ce samedi ensoleillé. Depuis huit heures du matin, les nombreux Français du quartier défilent sans interruption dans les isoloirs aux rideaux tricolores installés pour l’occasion. « Ah oui c’est important de venir voter. Même si on habite à l’étranger, on est concerné par ce qu’il se passe en France », s’exclame Nathalie Risacher, venue en famille remplir son devoir citoyen.
De New York à Los Angeles, de Houston à Chicago, près de 100 000 Français inscrits sur les listes électorales consulaires étaient appelés aux urnes ce samedi, pour le premier tour de la présidentielle, 24 heures avant le grand vote en France. Ce scrutin anticipé, qui a lieu depuis 2007, évite aux électeurs de l’étranger de se rendre aux urnes en connaissant les résultats dans l’Hexagone.
Les Français du Canada votaient aussi. A Montréal, 44 000 inscrits, l’AFP a constaté qu’une file d’attente de « plusieurs dizaines » de personnes s’est formée devant le College Stanislas, une des écoles françaises de la ville, avant l’ouverture des bureaux.
Point de file d’attente, en revanche, au Consulat de France à Boston, où les Français du Maine, du Vermont, du New Hampshire et du Rhode Island étaient invités à glisser leur bulletin dans l’urne. Le « a voté » de rigueur y était audible toutes les dix minutes environ. « Je suis venue voter parce que c’est important pour moi de savoir qui dirigera notre pays: on a toujours à l’esprit qu’on pourrait bientôt rentrer en France, qui sait! » souligne Christine Kidd, une Française du Vermont qui a fait deux heures de route avec son mari et ses enfants pour voter.
Neuf heures de route pour voter
Pour faire face à l’accroissement du nombre d’inscrits, les consulats n’ont pas lésiné sur les bureaux de vote. Pour le sud-ouest du pays, dépendant du consulat de Los Angeles (14 851 inscrits selon le Quai d’Orsay), dix bureaux ont été installés contre un seul en 2007. Dans la circonscription dépendant du consulat de New York (24 132 inscrits), pas moins de seize bureaux, dont dix dans la ville, ont été mis en place. Deux se trouvaient à l’International School of Brooklyn, à Carroll Gardens, “village français de Brooklyn”. Sur les listes, quelque 3 800 inscrits habitant dans tout Brooklyn, dont Frédéric Larrieux ravi de ces nouveaux bureaux de vote: il n’a eu qu’à traverser la rue pour venir voter. « C’est important, et puis aujourd’hui c’est tellement facile avec internet de suivre l’actu française qu’on est vraiment bien informé ».
Pour d’autres, le trajet à l’isoloir était plus long, voire trop long. C’est le cas de François Avenas, qui réside El Paso, à neuf heures de route du bureau le plus proche, à Austin. Situé à quatre heures de chez lui, celui d’Albuquerque (Nouveau Mexique) aurait été mieux, mais il dépend d’une autre circonscription consulaire. La semaine dernière, il se disait « un peu dégoûté » par ce qu’il décrivait comme « une sorte d’arnaque ». D’autant que peu de Français de la ville font des procurations, selon lui, faute des pièces nécessaires: « Certains Français d’El Paso ne font même pas refaire leur carte nationale d’identité (démarche pour laquelle il faut compter deux allers-retours à Houston), ni leur passeport (même si cela ne nécessite qu’un aller-retour), car ils estiment que cela leur revient trop cher et que c’est trop compliqué ». Samedi, M. Avenas s’est donc abstenu.
Résultats bureau par bureau
En 2007, les Français des USA avaient placé Nicolas Sarkozy en tête au premier tour, avec 48,7% des suffrages, devant Ségolène Royal (24%) et François Bayrou (20,3%). Le dépouillement du scrutin de 2012 sera fait samedi soir, mais les résultats seront annoncés bureau par bureau et les taux de participation ne seront pas communiqués avant lundi matin pour l’ensemble de l’Amérique du Nord.
Anne, à Manhattan, votait pour la première fois samedi, afin d’ « éviter le pire »: « Je suis partie de France parce que ce n’était pas la joie. Là, je pense que c’est assez catastrophique », dit-elle.
A Austin, Houda Hanafi, qui votait pour la première fois en douze ans aux Etats-Unis, estime que ce scrutin est particulièrement important. « Après la crise, on sent qu’il va se passer quelque chose en France. J’espère que cette élection va déboucher sur plus d’ouverture, plus de compréhension, plus d’emplois aussi, car la France en a bien besoin ».
Christine, retraitée à Los Angeles, a participé à toutes les élections depuis son arrivée aux Etats-Unis il y a vingt ans : « Cette année, c’est un peu particulier… Ma petite fille vote pour la première fois en France. Le fait d’aller voter toutes les deux, cela nous rapproche, malgré les kilomètres. On en a beaucoup parlé au téléphone. Elle vote Hollande, moi Sarkozy. Je pense que ça sera serré”.
Propos recueillis par Alexis Buisson et Emmanuel Saint-Martin à New York, Célia Héron à Boston, Cécile Fandos à Austin, Noémie Taylor à Los Angeles.
Crédit photo: Au Consulat de France à New York en 2007 (Stan Honda/ AFP )