L’exposition “La force silencieuse” de Liu Xia n’aurait jamais dû voir le jour. Les New Yorkais auront pourtant la possibilité de l’admirer pour la première fois aux Etats-Unis, à Columbia.
L’exposition consiste en une série de clichés pris par la photographe chinoise, femme du dissident chinois Liu Xiaobo. Réalisées sur une période de dix ans, ces photographies sont interdites en Chine et n’étaient visibles que sur internet ou en privé alors que Liu Xia est considérée par l’intelligentsia de son pays comme l’une des artistes contemporaines les plus influentes de sa génération.
Car Liu Xia est ce qu’on peut appeler une “ombre chinoise”. Elle s’est toujours volontairement effacée derrière son mari, condamné à onze ans de détention en 2009 pour “subversion du pouvoir d’Etat” et prix Nobel de la paix en 2010. Depuis plus d’un an et demi, elle réside à Pékin en résidence surveillée. Son crime : être une artiste dans un pays où la liberté d’expression est bafouée. Photographe et poète, Liu Xia n’est pourtant pas à proprement parler une artiste engagée.
Dans son travail, l’artiste s’attache tout simplement à montrer son quotidien de femme brisée par la perte de son mari, à travers des images métaphoriques. Utilisant uniquement le noir et blanc, son travail est avant tout inspiré par la calligraphie chinoise ancestrale et l’imaginaire. Elle se sert dans la majorité de ses oeuvres de ses “ugly babies”, sorte de poupons aux visages étrangement mélancoliques qu’elle collectionne et met en scène à l’intérieur de son appartement. Le résultat est fantomatique : on croit voir un instant les silhouettes des persécutés de Tiananmen, son mari représenté par une poupée ligotée devant un livre, le joug du gouvernement chinois évoqué par une main écrasant une poupée. Cet art qui dérange est cependant touchant, et laisse voir au spectateur une autre face de la Chine que celle de la réussite économique : celle de la répression de la renaissance intellectuelle.
Une précédente exposition des œuvres de la Chinoise avait été organisée à l’université de Boulogne-Billancourt par Guy Sorman, écrivain français et ancien adjoint au maire de la ville, à qui Lui Xia a donné une partie de ses photos. C’est d’ailleurs M. Sorman qui a organisé l’exposition à Columbia. « L’artiste n’a aucune connaissance de la renommée mondiale de son travail, et elle ne souhaite pas en savoir plus », souligne-t-il. Car si la police décide un jour de l’interroger à ce sujet, elle veut arriver innocente devant les autorités.
Infos pratiques :
« La force silencieuse », par Liu Xia, jusqu’au 1er mars à l’Italian Academy de Columbia University, 1161 Amsterdam Avenue. Entrée gratuite.