A L.A, Dieu parle aussi Français

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Le père German Sanchez ne connaît pas les 35 heures. La sonnerie de son téléphone – l’Aria de Bach – vient interrompre toutes les dix minutes le calme de son salon, décoré d’art latino-américain. Ce Colombien de 54 ans, moustachu à l’œil pétillant, est arrivé il y a six ans à Los Angeles pour revivifier la communauté francophone catholique, alors en pleine crise. Il a travaillé dur pour la conquérir. «Heureusement, je suis du genre sociable: je n’hésite pas à m’inviter moi-même chez les gens à dîner!». Un sens de l’audace et de la curiosité, qui guident depuis toujours son parcours singulier: né en 1957 à Cartago, en Colombie, dans une famille catholique, il part, jeune homme, étudier la médecine en Equateur, puis, décide, avec une bande de copains, de partir à la découverte du vieux continent.
C’est en France, où il s’est arrêté pour apprendre la langue de Molière, qu’il a la révélation. «Alors que je travaillais dans un hôpital, j’ai été profondément marqué par plusieurs cas de suicides de jeunes, qui semblaient pourtant avoir tout pour être heureux». Il éprouve alors le besoin de revenir vers la religion, de laquelle il s’était un peu éloigné. «J’y ai vu une continuité avec mon travail de chirurgien. Etre prêtre, c’est soigner l’âme. Comme un médecin, on travaille avec l’homme, on l’accompagne ». Après cinq ans de séminaire à Rome, il exerce pendant treize ans, en tant qu’aumônier des prisons et des lycées à Blois. Puis, la bougeotte le reprend. «Je parlais très mal l’anglais, j’avais envie de découvrir de nouveaux horizons». Il fait donc une demande auprès de son évêque et en septembre 2005, monte dans un avion direction la Californie. «Malgré l’obstacle de la langue, j’ai été très bien accueilli. Ici, personne ne se moque de votre accent, car les gens viennent des quatre coins du monde».
Messes en trois langues
A la recherche d’un bâtiment, la communauté francophone, aidée du père German, trouve une paroisse, l’Eglise Saint-Sebastian et son école, à partager avec deux autres communautés anglophone et hispanophone. « La messe est dite en trois langues, à des horaires différents. Par exemple, celle de Noël, le 24 décembre, se fera à 17 heures en Anglais, à 18h30 en Français et à 20 heures en Espagnol » explique le prêtre en entrant dans l’Eglise récemment rénovée, où l’on a accroché la traditionnelle couronne de l’Avent. Le dimanche, son homélie est également traduite dans les trois langues. Au total, la communauté compte 800 familles hispanophones, 350 francophones et 350 anglophones: Sud-Américains, Africains, Suisses, Français, Canadiens, Libanais, Vietnamiens, couples mixtes franco-américains. «J’adore le côté multiculturel. Mais cela exige aussi que je m’adapte à chacun. Les Américains sont organisés, respectueux de la hiérarchie de l’Eglise. Les Français, eux, sont très critiques. Et avec les hispaniques, je suis en terrain familier».
Malgré la crise et la baisse du nombre d’expats, Saint-Sebastian grandit doucement. «C’est une communauté plutôt jeune par rapport aux communautés catholiques classiques. Il y a beaucoup de couples avec des enfants, des étudiants de UCLA qui recherchent un cadre à taille humaine, plus intime que les églises de Santa Monica, à deux pas». Ici, pas question d’empêcher les enfants de jouer à leur aise. «L’Eglise doit être un lieu de vie. Je tiens beaucoup à la joie, au fait qu’on soit heureux d’être là, ensemble » explique le père German. «En immigrant, les gens laissent parfois leur famille à des milliers de kilomètres. L’Eglise est leur nouvelle famille élargie. Une communauté, ce sont des gens avec lesquels on peut partager une amitié, fêter les anniversaires, se relayer auprès des malades, se retrouver autour d’un café”.
Epanoui, le père German dit remercier “tous les jours le bon Dieu” de lui avoir fait faire cette expérience et … permis de goûter le soleil californien. «A travers la découverte d’une culture, on apprend à se dépasser, à aller au delà  des régionnalismes, du chauvinisme… Cela m’aide à grandir et m’empêche de m’installer dans mes habitudes” confie-t-il. “Même si les relations avec les Américains peuvent être superficielles, il faut reconnaître qu’ils réservent souvent à l’étranger un excellent accueil. Et ce qui compte, quand on arrive en terre inconnue, c’est qu’on sache vous tendre la main”.
Infos pratiques : http://www.cathoala.org

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