Les Maliens de New York s’offrent un centre culturel

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C’est presque devenu une habitude. Chaque samedi, Assetou Sy s’arme de son sac à main, de son téléphone portable et démarre sa voiture. Pendant près de trois heures, la co-fondatrice du centre culturel malien sillonne différents quartiers du Bronx, faisant même une incursion à Harlem, pour récupérer la quinzaine d’enfants maliens et d’origine malienne participant au cours de Français offert par son centre, dans l’extrême Nord du borough.
Au deuxième arrêt, une petite fille aux cheveux tressés s’installe sur la banquette arrière, un sac à dos sur les épaules. Un bref au revoir à maman, un bonjour à Madame Sy et voilà que la petite Astou, 8 ans, se met à réciter la leçon de la semaine dernière (Ecouter Astou).
Madame Sy le reconnait volontiers, elle se passerait bien de ces rondes hebdomadaires. Mais pour l’heure, elle n’a guère le choix : fondé en juin dernier,  le centre Lobo (ou « Lobbo») Troaré est encore relativement méconnu par ses compatriotes. Cette commerçante le sait : il faut savoir donner de soi avant de recevoir (écouter Assetou Sy), même si cela implique des sacrifices. (Ecouter Madame Sy).
Il faut dire que son centre culturel est, dans l’imaginaire collectif malien, un objet non-identifié. Une curiosité en quelque sorte. En effet, nommé d’après la première Dame malienne en reconnaissance de son engagement pour les enfants, le centre Lobo Traoré est une première mondiale pour le Mali : jamais Bamako n’avait eu de vitrine à l’étranger, malgré l’importance de sa diaspora. A New York, où vivent 5 000 des 6 000 Maliens résidant aux Etats-Unis, le manque se faisait cruellement sentir. Avec le grossissement de la communauté depuis les années 80 et la prise de conscience par un petit groupe de l’importance d’un pont avec le pays, un tel lieu devenait nécessaire. Fin juin, le centre ouvrait donc ses portes sur la petite Villa Avenue. Diocolo Coulibaly, directeur du centre, faisait partie de l’équipe fondatrice (Ecouter Diocolo Coulibaly).
Le centre est conçu comme un petit bout de Mali à New York. S’adressant aussi bien aux Maliens qu’aux non-Maliens, il est situé dans un petit local aux murs ornés de cartes, d’instruments et d’habits du Mali. Au fond de la salle, sous les portraits du couple présidentiel, une télévision diffuse des images du pays –ce jour-là, un match de foot africain.
Côté programme, tout reste à faire: outre des cours de langues et d’histoire, les fondateurs promettent des tables-rondes, des cafés littéraires, des défilés en tenues traditionnelles, et surtout une foire-exposition malienne qui présentera pour la première fois aux Etats-Unis le travail d’artisans maliens.
Pour l’heure, seul le cours de français tourne à plein. Il est proposé dans le cadre du « French Language Heritage Program », une initiative de l’organisation FACE (French American Cultural Exchange), soutenue par l’Ambassade de France, visant à replonger des enfants nés aux Etats-Unis de parents francophones dans leur culture d’origine  à travers la langue française. David Lasserre est coordinateur du programme (Ecouter David Lasserre).
Lancer un centre culturel n’est jamais une mince affaire, ça l’est encore moins quand l’économie bat de l’aile. En effet, le centre est une « non- profit », qui ne fonctionne que grâce à la générosité de donateurs et, pour l’instant, sans soutien financier de l’Etat malien. Autre défi : il est difficile d’accès pour la plupart des Maliens, installés beaucoup plus au Sud, à Harlem et autour de Yankee Stadium notamment. Un autre local serait le bienvenu, mais compte-tenu des loyers prohibitifs de Manhattan, la petite salle de Villa Avenue semble être un moindre mal. « Il faut prier pour nous » Madame Sy a-t-elle pris l’habitude de dire en souriant. Diocolo Coulibaly lui refuse de s’en remettre au ciel. (Ecouter Diocolo).
Diocolo va même plus loin : il espère que les communautés maliennes à travers le monde se doteront de leur propre centre culturel, pour que 2010 soit réellement l’année du Mali dans le monde.
Pour plus d’informations : Centre Lobo Traoré – 3130 Villa Avenue, Bronx, NY 10468 http://www.umaca.org/
(Légende photo: Le cours de français au centre culturel malien du Bronx).

Alexis Buisson
Alexis Buisson
Originaire de Saint Germain-en-Laye (Yvelines), Alexis s'est installé à New York en 2007, après avoir passé un an à Boston en échange universitaire. Il écrit pour plusieurs médias français et francophones (La Croix, Mediapart, Le Point, Télérama, La Tribune de Genève...) en plus de French Morning, dont il fut le rédacteur-en-chef de 2011 à 2019. Il est aussi l'auteur d'un guide sur la vie à New York, "S'installer à New York" (Éd. Héliopoles), et d'une biographie de la vice-présidente américaine, Kamala Harris, à paraître en 2022.

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