L’œil était dans la vitrine et regardait le pékin… La vitrine de Noël du navire amiral Louis Vuitton n’a pas grand-chose à voir avec Noël –ni avec une vitrine. Mais tout avec l’art contemporain. Ne cherchez pas, vous ne trouverez pas un sac, pas un vêtement. Pas un père Noël non plus… Louis Vuitton a choisi de confier ses vitrines –à New York mais aussi dans les 350 boutiques du monde entier- à Olafur Eliasson. Ce Danois, qui vit à Berlin, est à 39 ans, une des stars de l’art contemporain. Ses œuvres sont –déjà- au Guggenheim, au Museum of Contemporary art de Los Angeles, à la Tate de Londres, à Rotterdam, à Tokyo, à Houston…
Louis Vuitton n’en est pas à sa première collaboration avec un artiste (Takashi Murakami, Bob Wilson, Philippe Starck…). « Mais cette fois le pari est plus risqué, dit Yves Carcelle, le PDG de Vuitton. Nous n’aurons pas un seul produit dans aucune des vitrines de Noël dans le monde. Seulement les œuvres crées spécialement par Olafur ».
Eye see you, l’installation imaginée par Eliasson, est une grande lampe en forme d’œil, projetant une lumière jaune monochrome.
A New York pour le lancement de l’opération, Olafur Eliasson est arrivé en taxi devant le magasin. « J’en ai profité pour demander au chauffeur ce qu’il pensait des vitrine ». Réponse : « That’s New York, man… ». Effacé, en jeans et chemise blanche, l’artiste est au milieu des portes manteaux de Vuitton quand il nous explique son travail. « Les lampes sont faites à partir des ‘sun cookers’ qu’on utilise dans le tiers-monde pour faire la cuisine ». Créer une œuvre pour une vitrine lui a permis, explique-t-il, « d’explorer ce rapport entre l’intérieur et l’extérieur. Quand vous regardez dans une vitrine, il y a toujours votre image qui se reflète ; vous regardez à travers votre image ». De nuit notamment, en projetant sa lumière sur le trottoir, d’où le passant l’observe, l’œuvre « crée comme une scène sur le trottoir ».
Olafur Eliasson n’en est pas à sa première collaboration avec Vuitton. L’an dernier, il a créé l’ascenseur du nouveau magasin des Champs-Élysées, un « trou noir », « chambre d’entropie visuelle » dit-il, qui isole le passager du monde extérieur. Mais cette fois, les « yeux » d’Olafur seront vus par des millions de personnes qui passent sur un des trottoirs les plus fréquentés du monde. Et ils bénéficieront en outre à d’autres : les droits de l’artiste sont reversés à la fondation, 121Ethiopia, qu’il a créée avec son épouse Marianne Krogh Jensen, pour aider des orphelinats en Ethiopie, pays d’où vient leur fils adoptif, Zakaria, 3 ans, ainsi qu’une petite fille de 5 mois, dont la procédure d’adoption est en cours. « Lier cet endroit (le magasin Louis Vuitton), une des emplacements commerciaux les plus chers du monde, avec un autre endroit où le dénuement est total est crucial pour moi ».
Après Noël, les œuvres exposées partout dans le monde seront détruites, à l’exception d’une poignée vendue au bénéfice de la fondation. Restera une sculpture, « You see me », variation sur le même thème que les installations des vitrines, installée de manière permanente à l’intérieur du magasin de la Cinquième avenue. Et l’an prochain, on pourra voir au Moma beaucoup plus d’œuvres de l’artiste avec une exposition itinérante, organisée par le San Francisco Museum of Modern Art, qui présentera un tour d’horizon de l’œuvre de l’artiste, avec une annexe à PS.1, dans le Queens.
A voir : Louis Vuitton, 57th street and 5th avenue. PLAN
De l'art dans la vitrine
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